vendredi 18 novembre 2011

L'ambassadeur de France en Géorgie bloqué par les Russes

De notre envoyée spéciale à Satchkeré, Laure Mandeville : http://www.lefigaro.fr/international/2008/08/22/01003-20080822ARTFIG00013-l-ambassadeur-de-france-en-georgie-bloque-par-les-russes-.php

L'ambassadeur de France à Tbilissi, Éric Fournier, a été retenu jeudi pendant deux heures et demie par les forces russes. Paris a jugé l'incident «inacceptable». Le récit de notre envoyée spéciale.

Ils se sont retrouvés face à face mardi au barrage de police de Djria, à quinze kilomètres de la petite bourgade de Satchkeré, au nord-ouest de Gori. Cent Géorgiens formant un bouclier humain. Et un détachement de l'armée russe, mené par un véhicule blindé qui menaçait de passer en force. Prévenus par des villageois de l'arrivée des «envahisseurs» venus du nord, le président du conseil municipal local, Nodar Abjandadzé, le chef de la police du district Vassili Vakhturidzé, avaient décidé de les faire reculer.

«Nous avons ordre de marcher sur la base militaire de Satchkeré», leur déclarent les militaires, qui appartiennent au bataillon de Tchétchènes prorusses Vostok, supervisé par le GRU, le service de renseignement de l'armée russe. «Nous sommes chez nous, vous n'avez rien à y faire», réplique le président du conseil municipal géorgien. Le chef de la police remarque que les soldats parlent tchétchène. «N'avez-vous pas honte de venir envahir une terre caucasienne, vous dont la république a été réduite en cendres par la Russie ?» Les soldats se contentent d'affirmer qu'ils reviendront avec une force «qui réduira en charpie ce bouclier humain»…

L'ambassadeur français, Éric Fournier, s'émeut de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus d'une école de formation des troupes de montagne, avec laquelle Paris a établi une coopération suivie. Des chasseurs alpins français étaient présents sur cette base au moment de l'éclatement du conflit, le 7 août. «Nous sommes inquiets des mouvements russes vers Satchkeré, confie le diplomate. Nous craignons que les Russes ne cherchent à le détruire, ce qui serait une violation inacceptable du cessez-le-feu.»

Aussitôt, Éric Fournier décide de se rendre sur place, en passant par Gori, dont les entrées et sorties sont contrôlées par les Russes. Après une route, mercredi, où les passages de chariots à bœuf, d'oies et de vaches dévorant des épis de mais alternent avec les check-points russes équipés de blindés, il choisit d'y passer la nuit. Sur la base, où les autorités de la ville et quelques officiers expriment leur gratitude au diplomate, Éric Fournier fait hisser les couleurs de la France dans le crépuscule. «Ce soutien moral est capital», commente le commandant Tarel Tarakadzé, 46 ans.
«Les Russes peuvent tout bloquer»



Mais l'espoir reste mince. Militaires comme civils à Satchkeré doutent des intentions russes. Pour eux, la Russie se constitue une zone tampon le long de l'Ossétie du Sud, pour consolider sa domination. Le cantonnement que les troupes de Vostok viennent d'établir juste au-dessus de Djria les inquiète. Jeudi dans la soirée, les soldats ont forcé la porte d'une école et visité des maisons, paniquant les villageois. L'annonce, jeudi, par l'état-major général de la création d'une zone tampon où seraient maintenus 500 soldats russes semble confirmer ce scénario. Gori repasserait sous contrôle géorgien. «Pour l'instant, nous attendons de voir, car nous craignons pour nos civils», dit un officier. Car si les Russes gardent le contrôle du trafic routier sur cette artère est-ouest vitale pour le pays, «ils peuvent tout bloquer en cinq minutes», note un expert.

Le retour mouvementé en voiture de Satchkeré à Tbilissi de l'ambassadeur a révélé ce contrôle du terrain. Partout, des déploiements de forces, des blindés, des tranchées. L'attitude des soldats russes est aléatoire. À l'entrée de Gori, l'ambassadeur a été bloqué pendant deux heures et demie, son coffre ouvert. Joint au téléphone par Éric Fournier, l'ambassadeur de Russie annonce la mise en place pour aujourd'hui d'une procédure, qui obligera les ambassadeurs à avoir l'autorisation du ministère des Affaires étrangères russe pour se déplacer. À Paris, le Quai d'Orsay a vivement protesté. «Il est inacceptable que la liberté de mouvement de notre ambassadeur ait été entravée, a déclaré un porte-parole du ministère. Nous l'avons fait savoir aux autorités russes.»

Mais il paraît difficile d'échapper à la formulation ambiguë du point 5 de l'accord négocié par la France avec le président russe Dmitri Medvedev. La possibilité de laisser patrouiller les «forces de maintien de paix russes» à l'intérieur de la Géorgie «jusqu'à la mise en place d'un mécanisme international» continue de faire le jeu des Russes, sur le terrain comme à New York.

http://www.lefigaro.fr/international/georgie.php

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