C'est le troisième rendez-vous du genre. Après novembre 2011 et juin 2012, des représentants des différentes composantes de la société afghane, dont cette fois les talibans, sont réunis depuis mercredi 19 décembre à Chantilly (Oise), à 50 km de Paris. Diplomatie parallèle, colloque fermé, discussion préalable à des négociations : l'initiative, intitulée "Les Afghans parlent aux Afghans", est lancée par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), un think tank français. Et elle est accompagnée de près par les ministères français de la Défense et des Affaires étrangères. Explications.

Qui participe ? 

Une trentaine de personnes. Responsables politiques, diplomates, chefs de files de diverses communautés et personnalités de la société civile, toute la société afghane est représentée. Du côté du président Hamid Karzaï, c'est le neveu, Hekmat Karzaï, qui a fait le déplacement.
Côté insurgés, Abdul Salam Zaeef, ancien ministre taliban et dernier ambassadeur de ce régime au Pakistan, est invité, indique Le Monde (article abonnés). Des talibans proches du mollah Omar et des membres de la choura de Quetta, le Conseil des talibans repliés en territoires pakistanais, sont également présents, raconte RFI.  "Ils ont envoyé leur ancien ambassadeur en Arabie saoudite, cela prouve que ces rencontres sont très importantes pour eux", explique Waheed Mujda, un analyste afghan interrogé par la radio.
Conviée également, la communauté chiite hazara, dont le représentant serait capable de "bloquer la capitale en mobilisant ses partisans au moindre signe", dixit le quotidien. Mais aussi les Tadjiks, des proches de l'ancien roi d'Afghanistan issus de l'ethnie pachtoune, des femmes députées, un envoyé de la communauté ouzbèke ainsi qu'un représentant du Hezb-e-Islami, le mouvement radical fondé par Gulbuddin Hekmatyar.
Enfin, le Quai d'Orsay a délégué ses directeurs "Asie" et "prospectives", tandis que la Défense envoie son directeur des affaires stratégiques.

Que font-ils ? 

Ils discutent. "48 heures de totale liberté de parole, sans témoin, dans un cadre neutre et sans danger", explique France info"Ces personnes vivent pour la plupart à Kaboul, mais ne se parlent pas, abonde Camille Grand, interviewé par Le Monde (article payant), qui ajoute : En les faisant venir ici, dans un cadre neutre, sans danger, on leur permet de discuter librement." Et Jean de Ponton d’Amécourt, ancien ambassadeur de France en Afghanistan, d'expliquer à RFI : "L’intérêt de ce forum est qu’il se déroule 'en terrain neutre'."
Il faut "que ces gens puissent se parler à l'abri de toute pression et construisent ici les bases de futures alliances qui stabiliseront la scène politique afghane", résume l'un des invités pour Le Monde. De fait, il ne s'agit pas à proprement parler de négociations. Idéalement, ces trois jours ne doivent aboutir à rien, si ce n'est à établir le dialogue entre les différentes parties.
"Rien n'empêche de prendre quelques contacts en vue de futurs pourparlers", note ainsi France info. Du coup, les diplomates français se font plutôt discrets et laissent essentiellement la parole aux Afghans. A l'horizon, le cycle de négociations orchestré par les Etats-Unis et le Pakistan, et dont le premier round doit se tenir début 2013 en Arabie saoudite, sans la France.

Dans quel but ?

Eviter la guerre civile. Les positions de chacun sont si éloignées que le retrait des troupes occidentales d'Afghanistan font craindre le développement d'un nouveau conflit interne.
"Le gouvernement afghan veut parler avec les talibans qui ne le reconnaissent pas comme interlocuteur", rappelle Le Monde. "La main tendue par le président Karzaï aux talibans est continuellement rejetée par les insurgés, qui s’estiment en position de force et refusent les pourparlers directs", ajoute RFI. La radio précise que "les dirigeants talibans ne veulent avoir affaire qu’aux Etats-Unis", tout en leur imposant des "conditions inacceptables".
Le pouvoir afghan souhaite, lui, "faire accepter la Constitution afghane et le processus électoral que les talibans ont toujours contestés", explique RFI. "Ils ont déjà tous accepté l'existence d'un Etat afghan et d'un Parlement", selon Camille Grand, l'organisateur interrogé par Le Monde.