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Redistribution des cartes au Mali, la France abandonne discrètement l'option militaire |
En une semaine, la crise malienne a subi connu
une redistribution totale des cartes, avec coup sur coup, une résolution
du Conseil de sécurité de l’ONU autorisant l’envoie d’une force
militaire, et un accord entre deux formations touareg du nord Mali. Mais
le changement le plus notable concerne l’évolution de la position
française, qui a discrètement abandonné la position va-t-en guerre
sarkozienne pour s’engager dans une démarche plus conforme à une pensée
de gauche.
La signature d’un accord entre le Mouvement
National de Libération de l’Azawed (MNLA) et l’organisation islamiste
Ansar Eddine a couronné une semaine qui a bouleversé la donne dans la
crise malienne. Une intervention militaire est désormais exclue dans
l’immédiat, et parait peu probable à long terme, aux termes d’une
résolution adoptée par le conseil de sécurité de l’ONU.
Au cours d’une réunion présidée par le Maroc,
le conseil de sécurité a adopté une résolution qui définit une feuille
de route très stricte. Autorisant la création d’une Mission
internationale de soutien au Mali, sous conduite africaine, pour faire
face à une situation au Mali qui « constitue une menace pour la paix et
la sécurité internationale », le conseil a encadré cette démarche par un
volet politique contraignant, qui reprend les grandes lignes de la
démarche algérienne dans la crise malienne.
Réunis à Alger, Le MNLA et Ansar Eddine ont
signé, vendredi 21 décembre, un accord qui marque une nouvelle avancée
de la démarché algérienne. L’Algérie a toujours cherché à différencier
ces deux mouvements, à composante touareg, d’Al-Qaïda au Maghreb
islamique (AQMI) et du MUJAO (Mouvement pour l’unité du jihad en Afrique
de l’Ouest). L’Algérie a notamment réussi à imposer Ansar Eddine comme
un interlocuteur des autorités maliennes, alors que la France
considérait ce mouvement comme une organisation terroriste. Dans le même
temps, Alger a exercé de frortes pressions sur Ansar Eddine pour
l’amener à prendre ses distances avec AQMI et le MUJAO, et à prendre
définitivement un virage politique, alors que le mouvement avait, un
moment, pactisé avec les mouvements terroristes.
Malgré des hésitations de certains dirigeants
d’Ansar Eddine, l’Algérie a obtenu gain de cause. Ansar Eddine s’est
engagé à agir pour obtenir la libération de tous les détenus ou otages,
et à s’engager dans un dialogue politique avec les autorités de Bamako.
Bien qu’il affirme que la charia ne sera pas remise en cause, les autres
partenaires ne désespèrent pas de le voir assouplir ses revendications
sur cette question.
Paris abandonne l’option de la guerre dans l’immédiat
Mais le virage le plus important dans cette
crise a été pris par la France, qui a discrètement changé d’attitude, en
admettant que la solution prônée auparavant était irréaliste. Au cours
de sa visite à Alger, le président François Hollande a implicitement
confirmé cette évolution, en déclarant qu’il n’y avait pas de
divergences entre les deux pays sur la crise malienne.
Jusque-là, la France voulait une intervention
militaire rapide de forces africaines, auxquelles elle se disposait à
apporter l’aide logistique nécessaire. L’Algérie avait fait campagne
contre cette formule. Le ministre des affaires étrangères Mourad Medelci
et celui des affaires africaines et maghrébines Abdelkader Messahel,
avaient effectué de nombreux déplacements auprès des membres permanents
du conseil de sécurité, notamment la Chine et la Russie et, surtout les
Etats-Unis. Washington avait bloqué un premier projet français au
conseil de sécurité, estimant que la situation n’était pas mûre. Les
Etats-Unis considéraient, comme l’Algérie, qu’une aventure militaire
rapide et mal préparée risquait de provoquer le chaos. Un consensus
s’est finalement dégagé autour d’une formule plus complexe : engager un
processus politique au Mali, rétablir les institutions, former une force
africaine qui viendrait en appui à une armée malienne chargée de
reconquérir le nord.
L’ancien président de la commission européenne
et ancien premier ministre italien, désigné par M.
Ban Ki Moon comme
représentant spécial pour le Sahel, a lui aussi contribué à refroidir
l’enthousiasme français envers une guerre. Au cours d’une tournée dans
la région, il avait clairement affirmé que la guerre serait, pour lui,
le dernier recours, quand toutes les possibilités de dialogue auront été
épuisées.
L’armée malienne au centre du jeu
La démarche est antipodes de celle prônée
initialement par la France, qui voulait une intervention rapide, jusqu’à
ce que les Etats-Unis insistent : une force de 3.000 hommes serait
totalement impuissante face à plusieurs milliers de combattants touareg
et d’un nombre indéterminé d’éléments d’AQMI et du MUJAO.
Le premier acte de cette nouvelle politique
s’est joué au Mali, avec la destitution de l’ancien premier ministre,
qui apparaissait comme le plus fervent défenseur d’une intervention
militaire étrangère. Sa mise à l’écart n’a pas suscité de réaction
particulière à Paris. M. Diango Cissoko, qui l’a remplacé, semble plus
porté vers le dialogue : il était médiateur de la république au Mali.
Ce changement de premier ministre remettait
également au centre du jeu l’armée malienne, dont l’homme fort, le
capitaine Sanogo, qui avait renversé le président Amadou Amani Touré au
printemps, se présente comme le vrai garant de tout processus de
politique au Mali. Il dirige aussi une institution qui veut sa revanche,
après avoir été humiliée par les hommes d’Ansar Eddine, qui avaient
pris le nord du mali en quelques semaines, sans trouver de véritable
résistance.
Dimanche soir, le ministre algérien des affaires étrangères Mourad Medelci se félicitait de cette évolution qui se poursuit au Mali, mais il rappelait que « ce n’est qu’une étape ». Pour lui, « le plus dur est encore devant nous ». M. Medelci fait notamment allusion à la nécessité d’encadrer le processus, pour éviter un dérapage qui pourrait déborder sur toute la région, et à la situation actuelle au nord du Mali. A côté d’une application stricte de la charia, avec les mutilations physiques de personnes qui la violent, et la destruction systématique des mausolées traditionnels, des milliers de réfugiés maliens vivent dans des conditions difficiles en Algérie, au Burkina-Faso, en Mauritanie et au Niger.
source : http://maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/19286-redistribution-des-cartes-au-mali-la-france-abandonne-discretement-loption-militaire.html
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