lundi 24 octobre 2011

La troisième guerre mondiale n'aura pas lieu selon Roméo Dallaire, lieutenant général retraité des Forces armées canadiennes

http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/2006/03.09/rwanda.html


9 mars 2006

La Troisième Guerre mondiale n'aura pas lieu

Roméo Dallaire, ex commandant en chef de la Mission d'assistance des Nations unies au Rwanda, rappelle que la rage gronde en Afrique, que le terrorisme menace le monde et qu'il nous faut apprendre à vivre dans l'incertitude

par Renée Larochelle

J'ai serré la main du diable. Le titre du livre écrit par Roméo Dallaire, lieutenant général retraité des Forces armées canadiennes, sur l'expérience qu'il a vécue lors du génocide rwandais de 1994, parle de lui-même. Témoin des pires atrocités, ayant vu le mal dans toute son horreur, Roméo Dallaire demeure hanté à jamais par certaines images. Ayant choisi de pactiser avec la vie plutôt qu'avec la mort, c'est pourtant un homme respirant la sérénité et dégageant une force peu commune que les étudiants ont rencontré, le 3 mars, dans une salle remplie à craquer du pavillon Ferdinand-Vandry. Invité par le Comité des relations internationales et d'action communautaire (CRIAC) des étudiants en médecine, ce militaire humaniste a captivé son auditoire du début à la fin, parlant de son expérience au Rwanda et partageant sa vision du Canada comme puissance moyenne dans la résolution des conflits actuels et futurs.

"Jusqu'à la fin de la Guerre froide, en 1989, il y avait deux forces en présence dans le monde: l'Ouest et l'Est, a expliqué Roméo Dallaire. Depuis cette date, la donne a changé. Le concept de guerre classique utilisant des forces classiques avec le maintien classique de la paix n'existe plus. Les pays se sont débarrassé de leurs colonisateurs et ont installé des dictateurs à leurs places. La démocratie n'a pas pu s'y développer et plusieurs pays ont connu la guerre civile, comme le Rwanda." Commandant en chef de la Mission d'assistance des Nations unies au Rwanda en 1993, Roméo Dallaire a vu des garçons de neuf ans armés jusqu'aux dents tirer sur d'autres enfants qu'on avait alignés pour servir de boucliers à des soldats adultes. Il a vu aussi des gens battus à coups de machette et qui, fous de douleur, suppliaient leurs bourreaux de mettre fin à leurs souffrances en les achevant par balle. Seuls les plus riches obtenaient ce privilège, puisqu'il leur fallait débourser pour obtenir le projectile. Sans compter les viols, innombrables, considérés aujourd'hui comme crimes de guerre.

Un mur d'indifférence

Au cours du génocide rwandais qui a fait 800 000 victimes en cent jours, jamais la communauté internationale n'a levé le petit doigt pour empêcher le massacre. "C'est simple: il n'y avait pas d'argent à faire là et donc, personne n'a bougé, de souligner Roméo Dallaire. En ne faisant rien pour les aider, nous avons signifié à ces êtres humains qu'ils étaient notre dernière priorité. Trois semaines avant le début du conflit, le président Bill Clinton a affirmé qu'il enverrait des soldats américains au Rwanda seulement si les États-Unis y trouvaient un intérêt personnel. On ne peut pas être plus clair."

Réclamant davantage de ressources et pressant la communauté internationale d'agir, le commandant en chef se sera heurté jusqu'à la fin du conflit à un mur d'indifférence. Aujourd'hui, l'homme ne peut s'empêcher de se demander si certains humains comptent davantage que d'autres. "Quand 80 % de la population du globe vit dans le sang, la boue et la misère, je comprends mal que le 20 % qui reste continue de vouloir se rendre sur la planète Mars, soutient-il. Je crois fermement que le Canada a une responsabilité envers cette partie de l'humanité qui souffre." Outré que les candidats en lice aux dernières élections fédérales aient parlé de tout sauf de l'avenir du développement international, Roméo Dallaire souligne que le rôle du Canada sur l'échiquier mondial en est un de gardien de la paix. "En Afghanistan, par exemple, nos soldats sont là pour aider à la résolution de conflits. Leur travail consiste à établir une atmosphère de paix afin que les habitants du pays vivent et se sentent davantage en sécurité." Heureux que le Canada ait refusé de faire partie de la coalition dans la guerre en Irak, le conférencier a indiqué qu'aucun pays n'avait le droit d'en envahir un autre sous prétexte d'y assurer le développement de la démocratie: "Un pays qui en envahit un autre le fait toujours dans son propre intérêt", a t-il insisté.

Conseiller spécial pour l'Agence canadienne de développement international (ACDI) sur les questions reliées aux enfants victimes de la guerre, auteur de plusieurs articles sur les droits de la personne et sur l'aide humanitaire, Roméo Dallaire a été nommé sénateur en mars 2005. Il milite actuellement contre la guerre au Darfour, un génocide devant lequel le monde entier ferme les yeux. Visiblement, le désastre qui a eu lieu au Rwanda n'a pas servi de leçon à la communauté internationale. "Il n'y aura pas de Troisième Guerre mondiale, a révélé Roméo Dallaire. La rage gronde en Afrique, le terrorisme menace le monde. Il nous faut apprendre à vivre dans l'ambiguïté."

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