jeudi 12 juillet 2012

Démoralisés, nombre de soldats syriens font défection


ANTAKYA, Turquie (Reuters) - En tant que membre de la communauté sunnite qui forme le gros des effectifs de l'armée syrienne, le lieutenant Adnan Souleibi a été envoyé tout près du front lors des affrontements avec les insurgés dans la ville de Homs, au centre de la Syrie.
A l'arrière, loin des violents combats qui font rage depuis plus de seize mois dans plusieurs villes du pays, les Alaouites, qui composent l'encadrement de l'armée du président Bachar al Assad, lui-même issu de la communauté alaouite, chapeautent les services de renseignement et la police secrète chargés de réprimer toute dissidence.
"Les sunnites sont de la chair à canon et ont le moral complètement miné. Ils ne sont plus que 75 hommes dans ma brigade sur 250. Les autres ont été tués, blessés, ou ont déserté", explique le jeune soldat de 23 ans venu se réfugier en Turquie la semaine dernière avec un de ses camarades. "Dès que j'en ai eu l'occasion, je me suis enfui."
Depuis le début de la révolte contre le régime de Bachar al Assad mi-mars 2011, au moins 17.000 personnes ont été tuées et des dizaines de milliers de soldats sur les 300.000 que compte l'armée syrienne ont déserté, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), proche de l'opposition.
Selon des sources proches de l'Armée syrienne libre (ASL), la plupart des déserteurs sont de confession sunnite mais d'autres soldats issus d'autres minorités, notamment des Druzes, ont également déserté.
"A Homs, j'avais plus peur des renseignements militaires derrière moi que des rebelles sur le front", confie Adnan Souleibi, originaire de la province de Lattaquié et affecté dans la province de Homs.
"L'armée est devenue une machine à tuer et à voler. La priorité des officiers est de nous faire rapporter des téléviseurs à écran géant des maisons où nous entrons. J'aurais fait défection avant si je n'étais pas inquiet pour la sécurité de mes parents."
"LA HAINE DES AUTRES"
Après avoir pris contact via Facebook avec d'anciens soldats ayant rejoint les rangs de l'opposition, Souleibi a finalement réussi à s'enfuir à travers les champs d'oliviers et les vignes de la province d'Idlib avant de franchir la frontière avec la Turquie, qui accueille de nombreux réfugiés et membres de l'Armée syrienne libre qui combat l'armée régulière.
Face à cette vague de défections, l'armée syrienne contre-attaque en jouant sur la corde sensible des soldats: leur famille.
Un appareil de l'armée syrienne a ainsi largué des tracts près de la frontière turque pour dissuader les soldats de passer en Turquie. "C'est la dernière chance pour vous sauver. Vous ne pourrez rien faire face à l'armée syrienne", peut-on lire sur l'un d'entre eux. "Revenez au sein de l'armée et des gens qui vous aiment, ne commencez pas à alimenter la haine des autres."
Des milliers de soldats ont été tués ou arrêtés parce qu'ils tentaient de fuir ou étaient soupçonnés de vouloir le faire. Quelque 2.500 officiers et soldats sont détenus dans la prison de Seidnaya, dans le nord de Damas, selon des sources proches de l'opposition.
UN AN
Abou Souhaib était l'un d'eux. Cet officier de la Marine syrienne à Lattaquié a passé six mois derrière les barreaux à Seidnaya. Il a fait défection au début de l'année.
"J'ai eu de la chance. Les observateurs arabes visitaient Seidnaya et les autorités ont décidé de libérer neuf d'entre nous. On nous a dit de rejoindre nos unités. Huit d'entre nous ont fait défection", explique-t-il.
"J'ai été battu et torturé et envoyé devant un tribunal de campagne où je n'ai pas pu me défendre. J'ai dû signer tout ce qu'ils voulaient, j'ai même admis avoir planifié une attaque à Qerdaha", la ville natale de Bachar al Assad.
Abdelilah Farzat, un lieutenant-colonel qui défend désormais la ville rebelle de Rastan, dans la province de Homs, explique avoir choisi de déserter après la mort de dizaines de manifestants tués par les forces de l'ordre à Rastan au tout début du soulèvement.
Il a toutefois dû attendre la libération de son fils, détenu dans un camp militaire, avant de pouvoir concrétiser son projet.
"Il m'a fallu un an avant de pouvoir faire défection. Je n'en suis pas fier mais le régime dispose de nombreux moyens pour s'en prendre à nos familles, ça explique surtout pourquoi de nombreux soldats hésitent encore à déserter."
Marine Pennetier pour le service français, édité par Gilles Trequesser
source :  http://fr.news.yahoo.com/d%C3%A9moralis%C3%A9s-nombre-soldats-syriens-font-d%C3%A9fection-154609556.html

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